Après Prisoners ( 2013) et Sicario ( 2015 ) , explorant et revisitant les formes du Polar , le cinéaste Québécois s’attache avec son nouveau film à la science-fiction abordant la thématique de l’invasion de la terre par des extra-terrestres . Il construit un passionnant et superbe récit contemplatif (aux antipodes des blockbusters sur-vitaminés et leurs super -héros ), au cœur duquel s’inscrit , en contrepoint du rejet la recherche de la compréhension de l’autre au travers de son langage dont le decrytage se fera révélateur. Une magnifique et emblématique odyssée humaniste à la découverte de l’autre …

Premier contact ( cliquer ici ,pour la bande -annonce ) est Adaptaté d’une nouvelle de Ted Chiang , L’histoire de ta vie ( 1) décrivant l’invasion de la terre par de mystérieux vaisseaux venus du fond de l’espace dont la présence est considérée comme menaçante . Face aux réactions extrémistes des différentes nations contre l’envahisseur et le danger tout aussi extrême qu’il représente pouvant conduire à un conflit destructeur , pour connaître leurs intentions , deux savants sont chargés de rentrer en contact avec ces créatures invasives afin de connaître leurs véritables intentions . Le réputé physicien Ian Donnely ( Jéremy Renner ) et la célèbre linguiste , Louise Banks ( Amy Adams), tous deux vont devoir découvrir rapidement ce que veulent les occupants de ces Douze gigantesques et mystérieux vaisseaux ovoïdes disséminés a des endroits stratégiques de notre planète. Amis ou ennemis ? . En attendant , les spéculations vont bon train chez les différentes nations , jamais confrontées à une telle invasion ( menace?) et où la peur s’installe au cœur des populations , comme chez les dirigeants , y compris ceux des plus influentes et puissantes. Au point que certaines ( Chinoises et Russes ) vont même lancer un « ultimatum » aux visiteurs inconnus considérés comme des envahisseurs venus en ennemis , les sommant de quitter le sol terrien !. Et s’ils refusent ? . On est près de l’apocalypse . Suscitant divisions des nations et instabilité , le danger d’un conflit inter-planétaire dont l’issue pourrait conduire au désastre global n’a jamais été aussi grand . La seule solution qui pourrait mettre fin aux réflexes de peur se retrouve dans les mains des deux savants qui vont devoir prendre contact et décrypter le langage de ces visiteurs étrangers et connaître leurs motivations …

Le dilemme et le suspense installé , Denis Villeneuve, y inscrit à la fois son approche et sa patte personnelle de récit et de mise en scène en refusant le spectaculaire souvent ( trop…) au rendez-vous des films du genre . D’ailleurs son récit dans lequel le langage des Aliens s’inscrivent au travers de jets d’encre envoyés comme des ologrammes en réponse aux questions des savants lors des premiers contacts , en est l’exemple . Renvoyant à cette approche de l’autre ( le spectateur ) dont le cinéma distille, lui, l’apprivoisement par l’image. Ici , c ‘est le même cheminement que fera Louise pour aller à la rencontre de ces créatures tentaculaires , faisant le premier pas de cette « communication » nécessaire qui va permettre de décoder leur langage et les comprendre . C’est la belle et superbe idée centrale du film qui installe , en filigrane , la réflexion sur ce que recèle comme beautés et richesses la ( les ) culture (s) et les formes d’expression de l’autre. Encore faut-il en être curieux , et dans la salle de rencontre sécurisée , aller à la découverte sans avoir peur . Magnifique séquence où Louise fait le pas et finit par se dépouiller de sa combinaison de sécurité pour s’approcher et aller déposer sa main sur la vitre de protection qui sépare les scientifiques et les « visiteurs » de l’espace . Un premier pas essentiel , et son approche scientifique se mue dès lors, en une quête de l’Alien ( de l’autre ) qui s’ouvre à la multiplicité des regards et d’un rapport au monde et à une soif de connaissance tous azimuts , où le passé , le présent et le futur sont au cœur . Cette quête de connaissance et de l’autre qui fait la richesse d’une civilisation ouverte se faisant protectrice d’un « bien commun » … et non destructrice . Et le combat de Louise s’oppose à ces va-t-en guerre qui font du repli sur soi et du rejet de l’autre leurs armes , est d’autant plus magnifique qu’il ouvre les perspectives d’avenir …

A cet égard son travail sur le décryptage du langage des formes et des signes dont les « jets d’encre noire » avec lesquels les créatures cherchent à répondre aux terriens, vont se faire les révélateurs, est comme un appel . Celui dont les termes ( « outil » et « armes» ) avec lesquels les « visiteurs » étrangers répondent aux questions des officiels , devient le miroir d’une traduction et d’une perception des réponses et des mots , pointant le fossé qui les sépare . Dès lors , la dimension de la fable politique devient évidente et fait écho au monde d’aujourd’hui dans lequel l’autre ( l’étranger ) , est considéré comme un potentiel… Alien dangereux . Un monde dans lequel « l’homme devient l’ennemi de l’homme » par cette incompréhension ( ou refus ) de communication , de connaissance , d’approche , de curiosité dont le réflexe du rejet , est le mal qui contamine et finit par dresser les uns contre les autres . Et non plus seulement contre les Aliens. Louise s’oppose aux administrateurs et politiques qui se cachent derrière leurs certitudes et qui sont de plus en plus déconnectés avec le « réel » et de ce contact humain indispensable, elle leur apporte par son obstination un message essentiel à méditer. Celui qui oblige à se remettre en question… comme le fera Ian, le physicien qui la toise comme une rivale au début de la mission , mais aussi le Général Chinois qui saura , lui , écouter ( en Mandarin ) son appel au secours..

Et le récit s’enrichit aussi, au delà de l’odyssée scientifique de Louise, de celle qui lui est plus intime et qui sans doute lui fait trouver la force de se dépasser dans sa mission . Trouvant dans celle-ci et la recherche obstinée qui la guide vers l’ouverture à l’autre , pour en faire un cheminement de soins personnel et de transcendance de ses douleurs , rêves et obsessions . Celui qui lui permettra de faire le deuil de sa fille Hannah, au long d’un parcours douloureux dont témoignent les récurrents flashs-backs du passé… et d’un présent ( le nom de sa fille Hannah est un Palindrome qui fait le lien avec son travail linguistique et son approche des Aliens …) qui finira par prendre le dessus au cœur d’une liaison qui va s’inscrire dans la même approche et du long chemin vers la connaissance de l’autre. Il construit , subtilement, avec le personnage de Louise un émouvant personnage féminin ( les femmes sont souvent au cœur des films du cinéaste… ) passionné par son travail , combatif et bouleversant dans sa façon de faire face à ses douleurs intimes . Un récit porté par un superbe travail de mise en scène , de montage ( passé/futur ) , de photographie et de lumière ( signées Bradford Young ) et une utilisation des images de synthèse servant exclusivement la dramaturgie, refusant le spectaculaire pour y faire sourdre le réalisme et la poésie …

Et son film se distingue par son originalité qui le fait s’inscrire à la fois dans la lignée des films de science-fiction pacifistes des années 1950 comme Le Jour où la terre s’arrêta de Robert Wise ( 1951) , on y retrouve aussi au delà de la référence ( le monolithe de L’odyssée de l’espace ), la même ambition artistique visuelle de Stanley Kubrick . On pourrait multiplier les références ( les « bons » Aliens de Rencontres du troisième Type de Spielberg ) aux genres . Mais il les transcende par une approche très personnelle qui à la fois les intègre comme des clins -d’oeil au spectateur pour mieux, ensuite , s’en détacher – et – à l’image de Louise faire son propre chemin , et inscrire au cœur de celui-ci son regard … sur le monde d’aujourd’hui . Premier Contact , comme on l’a dit ci -dessus , au travers du genre et ses codes parle avant tout du monde , des hommes d’aujourd’hui et de leurs dérives et décline la nécessaire approche de l’autre , des connaissances et des cultures à leur opposer . C’est de cette science- fiction là ( rêvée?) qu’il est question chez Denis Villeneuve en forme de projection ( fiction ) de ce que pourrait être un présent ( ou proche futur… ) ainsi rendu plus vivable . Absorber les cultures et leurs richesses en partage , pour nous unir et pas nous combattre. Un vrai pari de…science-fiction.
Note : Le cinéaste prépare une suite au Blade Runner de Ridley Scott qui en sera le producteur . Blade Runner 2049 , réunissant au casting : Harrisson Ford, Ryan Gosling , Robin wright et Jared Leto . On en salive déjà …
(Etienne Ballérini)
PREMIER CONTACT de Denis Villeneuce – 2016 – Durée : 1h 56 .
Avec : Amy Adams , Jeremy Renner, Forrest Whitaker, Michaël Stuhlbarg , Tzi Ma …
- – L’Histoire de ta vie ( éditions Folio S.F ) et dans :Recueil de Nouvelles ( La tour de Babylone , éditions Denoël )
[…] Il offre à la talentueuse Amy Adams l’un de ses plus meilleures interprétations, après Premier Contact de Denis Villeneuve. Il en va de même pour Jake Gyllenhaal, dans un double rôle, à la fois […]
[…] n’est pas une surprise puisqu’il a déjà abordé le genre avec succès, en 2016 avec Premier Contact, puis, un an plus tard, avec Blade Runner 2049. Quant à adapter Dune (en fait, la première […]