Dans les années 1960 la petite ville de Kokkola en Finlande et les pays tout entier , vont s’enflammer pour le Boxeur local qui va représenter le pays et affronter pour le titre du championnat du monde des poids plumes , le Boxeur Américain Davey Moore . Une historie vraie et une belle reconstitution pour le premier long métrage du cinéaste. Présenté à la Section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes , le film y a obtenu le Grand Prix.

Ce premier long métrage du cinéaste Finlandais a été aussi , l’occasion d’illustrer le travail de fond de la « Ciné-fondation » dont le but est de révéler des cinéastes d’avenir . Juho kuosmanen qui en avait été une des lauréats en 2007 et 2010 avec ses courts métrages primés , a vu finalement son travail trouver écho et se concrétiser par cette première oeuvre qui s’est retrouvée propulsée à la sélection dans le section Un certain Regard . Et c’est un joli travail qu’il nous a présenté avec ce récit consacré au Boxeur Finlandais , Olli Maki , qui en 1962 va tenter de décrocher le titre de champion du monde des Poids plumes . Un événement que le pays entier va suivre avec passion . Le cinéaste en fait un portrait d’autant plus attachant que son héros est un personnage singulier , étranger au monde de la communication et de la Starification , dont il va finir par découvrir que ce monde n’est pas le sien …. Le héros et la Star que veulent en faire les responsables de la boxe et les documentaristes chargés d’en faire le portrait sont bien loin de son idéal de carrière et de vie . Et c’est justement confronté à cette situation qu’il va prendre conscience de sa particularité et de sa différence dans un Univers de la Boxe professionnelle qui voulait en faire une machine à Show- Business….

S’il aime cette discipline , il s’en singularise par le fait que contrairement aux sportifs dont le cinéma souvent multiplie les portraits pour en faire des exemples de travail et d’ambition , il n’en fait pas sa priorité estimant qu’il y a aussi , une vie en dehors et d’autres priorités qu’ il veut se donner le temps de vivre et d’assumer en parallèle de son parcours de sportif . Et l’une d’entre elles il la découvre au moment où justement tout s’agite autour de lui , avec ce combat historique . Elle a un nom : Raija; une jolie fille simple dont il est tombé amoureux . S’il se prépare et s’entraîne sérieusement , il ne peut se défaire de l’idée de concrétiser cet amour , dont l’achat de la bague de fiançailles le jour du combat est révélateur du double défi qu’il entend personnellement relever . Peu importe pour lui l’issue de ce combat ce jour là ( qu’il va perdre … ) , face à Davey Moore , il relèvera d’autres défis ( champion d’Europe en 1964 ) et gagnera d’ autres combats au cours d’ une carrière qui aura duré jusqu’en 1973. Selon le cinéaste il avait même une certaine éthique » il refusait de mettre son adversaire KO s’il n’y avait pas de raison de le faire et que le combat semblait déjà gagné » …

Le cinéaste Finlandais a concocté un joli portrait de ce boxeur assez singulier , resté dans le coeur des classes populaires dont il est issu, et a voulu surtout montrer, dans un double portrait passionnant , les coulisses de la boxe et les intérêts que le combat suscite auprès des milieux sportifs et Politiques, confrontés au choix de vie d’un athlète ayant décidé aussi de faire des choix personnels « je voulais montrer la boxe comme faisant partie de la vie quotidienne , ne pas la placer au dessus comme une chose symbolique ou plus importante » . En ce sens la tonalité du film est toute réunie dans ce que révèle la séquence de l’achat de la bague de mariage le jour de son combat et cette phrase du boxeur déclarant « c’est le plus beau jour de ma vie… ». Confession doublement révélatrice qui fait le prix et l’originalité du récit par son incroyable décalage entre ambitions sportives et vie privée , à partir desquelles le cinéaste a construit son récit emblématique de « deux visions du monde » dont Olli Maki , est le reflet par son comportement et ses choix « Il s’agissait pour lui de trouver son propre chemin vers le bonheur indépendamment des attentes extérieures ( …) celui d’un homme issu de la classe ouvrière , un communiste d’une petite ville Finlandaise mis sous- pression pour devenir une Star dans la machine du show Business Américain ( …) qui a compris qu’il pouvait vivre sa vie sur la base de ses propres priorités » , explique le cinéaste …

Dès lors le combat qui aurait pu en faire un héros national , n’est pas révélateur d’un manque d’ambition mais de cette éthique citée plus haut , qui en fait un héros laissant un « autre » héritage National, s’exprimant cette devise que « parfois les choses qui font de vous une personne meilleure ne sont pas celles qui vont vous conduire au sommet de votre sport ». Et les belles scènes le montrant mal à l’aise , face aux documentaristes chargés de faire son portrait , sont magnifiques dans le décalage comique qu’elles révèlent de l’image et des clichés du boxeur et du compétiteur dans lesquels on veut le figer . En miroir parallèle , c’est l’homme simple et sensible qui émeuvent et le rendent sympathique , complétée par une restitution d’époque des années soixante ( mode vestimentaire , coiffures , voitures, objets , la fête foraine …), très soignée et travaillée , apportant le réalisme nécessaire . Dont le choix du cinéaste d’une photographie en noir et blanc utilisant le format 16 mm d’époque ,afin de retrouver la « tessiture » particulière de l’ image – objet de recherches poussées qui lui ont permis de retrouver des supports pellicule d’époque ( la Kodak Tri X ) – offrant à son film le rendu de ceux des années Soixante … une jolie réussite.
( Etienne Ballérini)
OLLI MÄKI de Juho Kuosmanen- 2016- 1 h 32 –
Avec : Jarkko Lahti, Oona Airola , Eero Milonoff, Joanna Haarti, Esko Barquero, Elma Milonoff…