La cinéaste Brésilienne de Une seconde mère ( 2015 ) prolonge sa réflexion sur relations familiales , ici c’est le sujet sensible des enfants enlevés à leurs familles qu’elle explore au travers d’un jeune adolescent qui va devoir être restitué à ses géniteurs. Sujet sensible traité avec pudeur et délicatesse…

L’année dernière la cinéaste Brésilienne avait connu le succès dans son pays , mais aussi en dehors de celui- ci ( son film avait été nommé aux prétendants pour l’oscar du meilleur film étranger ) avec Une seconde mère , portrait sensible de cette femme de ménage d’une famille aisée, « nounou » préférée du fils de la maison , Fabinho, dont elle est devenue la seconde mère, et qui allait se retrouver confrontée au dilemne de devoir accueillir dans la maison où elle est employée sa fille qu’ elle avait quelque peu délaisée pour se consacrer à son travail . Le film « auscultait » admirablement la situation au travers d’un « constat » de classes sociales , les degâts sentimentaux que celui-ci entraînait chez les enfants des familles concernées . La cinéaste explore ici une autre piste sur le même sujet toujours ancré dans la réalité puisque son film s’inspire d’un fait divers réel qui avait soulevé l’émotion au Brésil . Celui d’une femme ayant volé trois enfants dans une maternité et qui fut contrainte de les restituer à leur famille génétrice des années plus tard . C’est la cas ici pour le jeune Pierre ( Naomi Néro , excéllent ) et sa sœur qui vont y être confrontés, suite à une plainte déposée par leurs parents biologiques qui va déclencher une enquête judiciarie et l’obligation de « tests » de paternité qui se révèlent être positifs … et qui seront contraints de rejoindre leur famille génitrice respective et séparés . Ils vont devoir s’habituer à une nouvelle vie . Pas si simple …

C’est le destin de Pierre ce jeune ado « branché « de 17 ans que la cinéaste va nous inviter à suivre au quotidien. Ce denier qui a vécu une enfance paisible avec une mère aimante ( le père est décédé il y a quelques années ) qui lui a laissé une grande liberté dont il a d’ailleurs profité , festoyant avec ses amis dans les milieux branchés de Sao Paulo, faisant de la musique avec des « potes » , menant une vie sexuelle débridée avec les filles et qui a une petite amie , mais aussi à l’occasion des aventures avec des garçons. Pierre vit des jours heureux cultivant cette liberté émancipatrice qu’il va continuer à revendiquer avec sa nouvelle famille et vis à vis de cette nouvelle mère qui succède à celle qu’il a toujours connue . Belle idée que de faire jouer le double- rôle à la même comédienne déjà interprête de Une seconde Mére : Dani Néfusi ( admirable ). Un choix impératif pour la cinéaste qui explique « je voulais que le personnage de la mère perdure car si Pierre devenu Félipe quite sa première mère ,il ne va pas tarder à la retrouver à travers sa seconde mère . J’ai fait ce choix car je crois que les méres forment notre regard sur les choses , sur le monde dès le début , et à moins que nous ne fassions un très grand effort pour y remédier, elles sont toujours présentes dans notre subconscient influençant nos relations au quotidien », dit-elle. Et à l’évidence, même si on peut la comprendre , la mère génitrice de Felipe qui le récupère et prend le relais, va vouloir à tout prix , aussi récupérer le « temps perdu » et tout entreprendre pour se faire aimer et s’approprier ce fils si longtemps recherché . Mais Felipe / Pierre , devant tant d’empressement qui l ’emprisonne se braque , et sa réplique cinglantte fuse : il ne veut pas s’entendre appeler « fils. » , ni répondre à son nouveau prénom, Félipe!. …

Anna Muylaert , avec une certaine aisance et sans insister sur les situations qui pourraient surchager son regard et son propos , trouve la distance juste dans la description de ces rappprts compliqués- entre parents ( qui réclament leur dû ) et enfants – et qui le sont encore plus quand une situation comme celle-ci vient encore un peu plus « perturber » les individus. La cinéaste qui dit « avoir toujours été fascinée par ce type de sujets » souvent traités par le « novellas » ces feuilletons TV brésiliens si Populaires , a voulu y apporter son approche personnelle en se consacrant au personnage de ce Felipe / Pierre , dont elle dit dans le dossier de presse qu’elle a toujours « été fascinée par le personnage du fils qui perd dans ces circonstances tous ses repères et doit se construire une nouvelle identité. Que ressent-il ? …je crois – ajoute-telle- que bien qu’ici ce soit un drame très spécifique , qu’en fait tous les adolescents font face à une situation semblable à la fin de leur enfance , ils découvrent des nouveaux aspects d’eux-mêmes , et soudain l’amour inconditionnel des parents est remplacé par des sentiments inconfortables de non- acceptance » , dit-elle . Le dilemme symbolique ce cette non- acceptance est, ici , encore multiplié pour notre héros qui ayant déjà acquis une certaine liberté , va devoir lutter pour la conserver …

C’est l’autre belle idée du film que la cinéaste décline au cœur des multiples séquences qui vont se dérouler dans la nouvelle demeure familiale , mais aussi avec le monde ( les amis ) extérieur . Les petittes touches et annotations avec lesquelles elle construit son récit pour décrire tous les aspects est traité avec un certain sourire en coin qui , à l’image des traits de certains déssins ou caricatures est aussi percutant qu’un trait appuyé , là où il le faut , soulignant tel ou tel défaut ou comportement excéssif . A cet égard la découverte progréssive des comportements codifiés de sa nouvelle famille par Pierre/ Felipe , est l’objet d’un jeu de réflexes qui suscitent tour à tour indifférence , sourire ou rejet de sa part . En même temps qu’il se font l’écho, d’un constat au cœur duquel son nouveau milieu familial riche et cossu , lui renvoie l’image d’ un milieu qui n’a , jusque là, pas été le sien . Et dont il va découvrir et mesurer parfois la violence comme l’illustre la scène qui l’oppose à son père qui voudrait le « modeler » à certaines normes et que le justifie par un imparable « ça fait dix sept -ans qu’on t’a attendu ! » comme moyen de persuasion- pression , affective . Et puis il y a tous ce petites détails que Pierre/Félipe , découvre dans le systéme relationnel ( hypocrisie ) de sa nouvelle famille empreint d’une certaine violence. En marge de Pierre/ félipe , c’est aussi son nouveau petit frère qui en souffre sans rien dire , joli portrait qu’Anna Anna Muylaert compose . Cette violence qui est là au cœur du cercle familial , et qui se fait le reflet d’un violenec sociétale globale ( dans les rapports de classes , mais aussi dans les dysfonctionnements des organismes ( d’Etat ) ou à vocation sociale , et dans le délitement des rapports humains racisme , homophobie … ) . La « non- aceptance » , évoquée par la cinéaste ci-dessus est là, dans cette violence qui consiste a vouloir lui imposer des normes …ou à « acheter » son éffection . Ces réflexes comportementaux imposés à une jeunesse qui a soif de conquérir sa propre identité et indépendance ( la scène du choix des vêtements ) , et se retrouve confrontée à une forme d’incompréhension qui ne fait que mutiplier encore un peu plus les difficultés, et à générer le mal-être . Dès lors Felipe / Pierre ne peut que se réfugier dans sa coquille ( ses rêves / désirs ) cherchant à se préserver tout en sachant dire ce qu’il pense. Et attendre ( la belle scène finale ) qu’une tête se penche sur ses épaules …pour lui dire par ce geste silencieux : qu’elle l’aime , comme il est !. Et pouvoir , enfin, se construire en tant qu’adulte …
C’est par cette approche en petites touches » impréssionnistes » que le film trouve sa belle dimension et séduit par sa vraie fluidité narrative qui donne de la force à son propos tout en nuances bien senties qui ne manquent ni de profondeur , ni de coups de griffes d’autant plus éfficaces que délicatement suggérés .
(Etienne Ballérini )
D’UNE FAMILLE A L’AUTRE d’Anna Muylaert – 2016 – Brésil .
Avec : Naomi Néro , Dani Nefussi , Daniel Botelho , Matheus Nachtergaele , Lais Dias , Luciana Paes …