Après Control (2007) consacré au destin tragique de Ian Curtis le chanteur du groupe Joy Division, le nouveau film du cinéaste -Photographe, s’attache au récit d’une rencontre mythique entre un photographe ambitieux et une star de cinéma débutante , James Dean, dont le destin sera également tragique . Superbe récit d’une vraie rencontre mythique qui changea la vie des deux protagonistes , et dont les clichés qu’elle engendra, rentreront dans l’histoire. Un beau film à ne pas manquer…

Dans sa chambre noire, Dennis Stock ( Robert Pattinson. Bien ), termine le tirage d’une de ses dernières pellicules, avant de se rendre à une soirée en l’honneur d’un metteur en Scène en vue, Nicholas Ray. Dennis Stork photographe débutant en ces temps où il lui faut se faire un nom arpente les « tapis rouge » des avant-premières et justement ces soirées comme celle où il va se rendre pour y faire les rencontres et les clichés qui pourraient «booster » sa carrière. Au cours de cette soirée il va croiser au bar un jeune homme de 24 ans comédien débutant avec lequel s’instaure un dialogue où les réflexions désabusées et les semi-confidences sur le milieu qu’il est en train de découvrir , interpellent notre Photographe qui décèle en lui une « personnalité » singulière dont les attitudes et la fragilité ont quelque chose qui attire l’attention, d’attachant et de révélateur sur une certaine « jeunesse » dont il semble refléter les les tonalités désabusées d’une rébellion, vis à vis d’une société engoncée dans ses certitudes. « il y a quelque chose à faire avec ce garçon et cette franchise de l’expressivité qui le singularise » , dit Dennis qui en parle à son employeur et lui propose de faire un reportage à Proposer au Magazine Life , sur ce jeune comédien dont il est persuadé qu’il réunit tous les ingrédients qui vont lui ouvrir les portes d’une grande carrière. Lors de la soirée, en effet, on apprendra que « Jimmy » est là invité par Nicholas Ray qui cherche un jeune comédien pour son prochain Film : La fureur de Vivre. Le cinéaste qui n’ignore pas que « Jimmy » Dean vient de terminer avec Elia Kazan, A L’Est d’Eden, est en train de négocier avec la Société Warner pour engager Jimmy…

On sait, en tant que spectateur ce qu’il adviendra de la carrière de Jimmy ( Dane DeHaan , qui offre une interprétation toute intériorisée et sans verser dans les clichas , qui propose une belle approche du comédien et des personnages que James Dean a incarnés ) et de sa destinée tout aussi fulgurante que la fin tragique dans un accident de voiture . On découvre au cœur la relation qui s’instaure entre lui et le photographe, les éléments d’un parcours qui y inscrit en miroir, la parenthèse enchantée d’une rencontre ,avant le drame . Anton Corbijn conscient de ce que l’histoire véridique de cette rencontre porte en elle et dont le spectateur connaît l’issue , d’entrée de jeu, nous invite à la suivre comme une aventure qui laisse sourdre au cœur de celle-ci, les éléments qui donnent à comprendre et pénétrer à la fois l’intimité du comédien révélatrice de ses doutes et blessures , en même temps que cette soif de reconnaissance qui l’oblige à affronter un système, celui des studios et de leurs diktats de carrière imposés, comme l’illustrent les superbes scènes où Jack Warner ( Superbe Sir Ben Kingsley ) met au pas le jeune « rebelle » , qui doit savoir se maîtriser ( mise au panier sa première interview, trop libre où il dit ce qu’il pense du milieu du cinéma!) , et qui , s’il veut réussir ne pas devra désormais franchir la ligne tracée !. Surmontant son agacement qui ne fait qu’amplifier ses doutes et son mal- être , Jimmy sait qu’il va devoir faire avec les obligations des producteurs qui lui font le chantage du prochain rôle, contre sa soumission. Anton Corbijn en quelques scènes, efficaces, brosse le portrait du cinéma Hollywoodien et du star -système des années 1950. En y inscrivant en filigrane de cette relation de soumission, la subtile possible interrogation : le jeu intériorisé et torturé de cette jeune génération de comédiens dont Jimmy est représentatif, reflète-t-il une forme de résistance envers un système qui avait tendance à vouloir aseptiser et formater ( « un peu moins rebelle » , lui suggère Jack Warner ) ?. Comme semble le suggérer la séquence où Jimmy entraîne Dennis à un cours de Theâtre où il retrouve ses amis et se sent « chez lui » avec ces comédiens authentiques, qui ne trichent pas…

La réussite du film, est aussi, d’offrir au portrait de Jimmy, celui d’un double: Dennis Stock, qui lui ressemble dans la manière d’affronter et d’aborder à la fois la vie et une carrière dont l’ambition se retrouve bridée par ses doutes et sa capacité à convaincre de pouvoir mener à bien son projet de reportage sur cette future Star dont il veut être le premier à montrer le vrai visage et l’originalité. Celui d’une future légende . A la fois son insistance , sa maladresse , et sa difficulté à convaincre Jimmy , sur le choix des lieux du reportage, freinent la concrétisation. Mais les belles scènes qui montrent – en une sorte de jeu de séduction – que petit à petit la barrière de la distance se fragilise et cède aux confidences pour installer un véritable rapport au cœur duquel les « défis » et les conflits ne sont pas absents, mais qui se traduit par l’invitation à laquelle Dennis est convié dans les lieux où il se sent à l’aise et libre ( le théâtre , le bar où il retrouve ses amis ) , puis , celle encore plus révélatrice de Jimmy , l’invitant à le suivre dans la petite ville de son enfance . Le trajet en train pour s’y rendre va permettre aux langues de se délier , chacun se laissant aller aux confidences qui permettent de mieux cerner leurs blessures intimes ( les déceptions sentimentales , la mort de la mère de Jimmy ) . Ce sont de beaux moments qu’Anton Corbjin, réussit magnifiquement . Dès lors, la rencontre va pouvoir déboucher sur ces magnifiques clichés, enfin réalisés ( que l’on verra au générique final ) , qui entreront dans l’histoire de la légende … offrant une vraie image intime et différente des reportages habituels sur les comédiens. L’authenticité recherchée est au rendez-vous …

Anton Corbijn Cinéaste et ( aussi ) photographe décrit avec une belle sensibilité cette rencontre entre deux jeunes hommes et les doutes qui les assaillent , sur leurs carrières respectives en devenir. Life s’inscrit dans la continuité d’une œuvre originale qui explore les destins tragiques et les individus aux prises avec leurs démons et ( ou ) leurs angoisses . Qu’il s’agisse du Musicien suicidaire , Ian Curtis ( Control / 2007 ) , du tueur à gages solitaire et traqué ( The American / 2010) ou de l’espion aguerri assailli par les doutes ( Un homme très recherché / 2014), les personnages de ses films sont des personnages « borderline » dont les destinées crépusculaires s’inscrivent au cœur d’une mise en scène toute en nuances et subtilités , qui refuse le spectaculaire pour tenter de pénétrer leur intimité et ces moments de fragilité et de souffrances qui les habitent…et dont ils n’arrivent pas à surmonter le poids.
Dennis et Jimmy viennent ici s’ajouter et compléter l’album . Celui d’une filmographie dont on soulignera le soin de la photographie et d’une mise en scène dont les plans et les séquences sont imprégnés du style du cinéma des Années 1950 offrant au récit cette authenticité nécessaire qui nous replonge dans l’univers du cinéma d’alors et des films ( A l’Est d’Eden , La Fureur de vivre, déjà cités et le Géant de George Stevens ) que James Dean a « habités », de sa présence inoubliable … Ne maquez pas cette belle rencontre qui ravivera de beaux souvenirs de Cinéphiles…
(Etienne Ballérini)
LIFE d’Anton Corbijn -2015-
Avec : Robert Pattinson , Dane DeHaan , Sir Ben Kignsley , Joël Edgerton , Alessandra Mastronardi..
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