Sculptures… en mouvement !

Depuis la nuit des temps, une sculpture est en général une œuvre figée dans sa masse quelque soit la matière, c’est toute la différence avec les œuvres du plasticien Fabien Chalon qui se nourrit de toutes les technologies actuelles. ..Ça marche, ça fonctionne, ça bouillonne, ça fume, ça roule, ça s’entend, ça s’allume, ça parle, ça percute…ça se touche …et ça pense …

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Si les technologies de notre époque aident le sculpteur à s’exprimer différemment, sa technicité n’est pas le fond de son travail, sa recherche fondamentale s’appuie sur plusieurs points, le réel, le rêve, la surprise, l’émerveillement, le voyage interplanétaire et pourquoi pas le jouet fantastique qu’un enfant aimerait posséder…bref, ces sculptures sont sans cesse en mouvement et, comble de tout par rapport au panneau affiché dans les musées , Attention, ne pas toucher…Fabien Chalon nous autorise à le faire et même nous encourage à appuyer sur le bouton poussoir comme c’est le cas avec son exposition Vu des Etoiles. Une vingtaine de ces œuvres, 4 néons et 16 sculptures machines, sont en ce moment présentées au théâtre Anthéa à Antibes dans les Alpes Maritimes. Pour ceux qui ont découvert sa création monumentale « Le Monde en marche », installée en 2008 au centre de la gare du Nord à Paris avec ses 10 mètres de haut, 6 de large, ils seront surpris par les sculptures d’Antibes de 80 centimètres à 2 mètres. Même si l’artiste se défend de dire que ses mécanismes sont compliqués, au premier coup d’œil c’est cette mécanique qui interpelle, ensuite le déclic arrive et l’émerveillement est là…Apparaissent, la vidéo, le son, les néons, la fumée, l’eau, les vagues et ce déclic de départ va tout mettre en œuvre, c’est une boule de la taille d’une balle de ping-pong qui serpente avant de toucher son premier contact, explications de Fabien Chalon :

« C’est le temps, c’est le temps qui passe, c’est le voyage, c’est la fragilité…la boule, c’est le parcours d’une vie, le temps mais, après, vous avez aussi votre propre perception de ce qui se passe. C’est aussi la matière la boule parce qu’elle a ses propres bruits qui sont différents, vous voyez bien que ça nous rappelle à la matière, alors que la vidéo, c’est plus le rêve, c’est la fiction, c’est la fumée, l’évanescence des choses, la boule est tout çà, c’est un tout… »

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J P L – C’est très difficile d’expliquer par des mots ce genre de créations mouvantes qui, subtilement se mettent an action et provoquent de nombreuses situations mécaniques qui amènent l’artiste à cette réflexion intellectuelle et, bien entendu, comme vous êtes mon guide, ça m’aide, comme pour la sculpture appelée Mr Ancelin :

« Vous avez une mécanique, vous avez aussi un film sur lequel vous voyez des gens se retrouver, s’étreindre, se serrer dans les bras et, c’est un film sur l’absence, c’est-à-dire que c’est l’instant où les gens se retrouvent et ils se serrent d’autant plus fort dans les bras qu’ils se sont manqués…et, donc, j’ai filmé dans les gares le moment de cette rencontre et, j’en ai fait un film et une sculpture et ce rideau noir qui tombe c’et le temps, la fatalité parce qu’il y a des gens qu’on ne retrouve pas forcément »

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JP L – Quand vous me donnez une explication sur votre créativité, on devine très vite le côté émotionnel qui vous a guidé mais, est ce aussi facile d’arriver à cet état avec un tel mécanisme, on pense aussi, qu’il y a un peu de Jean Tinguely (1) dans cette démarche, qu’en pensez vous ?

« C’est plus technologique que Tinguely parce que, lui, c’est juste un moteur qui tourne, la technique, ce n’est pas très important et finalement, ce n’est pas çà qui fait l’intérêt de l’œuvre, l’intérêt c’est l’idée, c’es ce qui se dégage, il y a une technique comme dans l’écriture, dans l’opéra, dans tous les arts…moi, j’ai ma technique, elle n’est pas spécialement compliquée, mais j’ai vu des gens sur certaines sculptures pleurer, ça veut dire qu’ils ne sont plus du tout dans la technique, ils sont dans ce que raconte la sculpture… »

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JP L – Le point important dans votre travail, c’est que l’on peut toucher, on ne voit pas souvent ce geste dans les lieux artistiques, quelle est la genèse de cet acte ?

« Pour moi, une sculpture, ça se touche, c’est de la matière…moi, j’ai toujours eu envie de toucher les sculptures et donc, j’ai trouvé un moyen qui vaut ce qu’il vaut, il faut que ça ait du sens, ce n’est pas toucher pour toucher et donc, j’ai trouvé cette histoire de boule, au début, il n’y avait pas de moteur, ce n’était que mécanique, on prenait la boule ou on s’emparait d’une partie de la sculpture, on mettait la boule au début d’un parcours et il se passait plein de choses, je voulais qu’on touche le moteur, c’était çà, mettre tous les sens en action »

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JP L : Il y a une sculpture particulière que vous avez appelée « Prends le temps », pourquoi ?

« Il y a quelques années, je me suis pris d’affection pour un grand artiste, il s’appelle Pol Bury (2), nous sommes devenus amis, il venait dans mon atelier, j’allais chez lui, en fait, dans mon travail, il voyait la suite de son travail…justement le mouvement avec les moyens d’aujourd’hui, j’ai adoré rencontrer ce monsieur qui était brillantissime, il était malade et il est mort et j’ai fait une sculpture pour lui rendre hommage »

JP L : Vous êtes très éclectique dans les titres de vos sculptures mais, ce qui est surprenant c’est de comprendre votre regard sur tout ce qui vous entoure en vous servant d’objets usuels comme, par exemple, cette multitude d’hélices qui se mettent à tourner, une œuvre qui s’appelle Vieille Dame ?

« C’est une vieille dame, on va dire on est plein de nostalgie, plein de respect pour cette dame…les hélices qui tiennent tant bien que mal, des vieux moteurs, tout est rouillé, il y a des fils qui dépassent mais elle vole encore, difficilement, c’est typique de mon axe de travail, c’est-à-dire, rendre la matière vivante et essayer de raconter des choses universelles et de transmettre un message universel, c’est l’espoir, la force, la persévérance, le voyage.

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Avec la technique que j’ai à ma disposition, je peux faire tout mais je peux me perdre aussi. A vouloir faire des effets, je peux aussi faire des effets juste pour que ça plaise mais du coup, perdre le sens profond, ça va bien d’amuser les gens, on peut faire la grande force de cette sculpture, c’est qu’elle s’envole alors que vous ne vous y attendez pas. Bury me disait, ce que j’aime bien dans vos sculptures c’est qu’elles ne sont pas démagogiques »

JP L : Encore une fois, il est difficile de décrire un détail de ces sculptures aux lecteurs qui sont sans cesse en mouvement, qui parlent, fument, vous regardent, déclenchent des vagues, allument des néons, ce sont en fait des mises en scène comme le château Noir et Or ?

« Le château noir et or, c’est le fantasme absolu, c’est un mélange d’enfer, d’univers fantasmagoriques avec des personnages mi hommes – mi femmes – mi animaux, on est dans le fantasme, on est dans la légende sexy et onirique, vous voyez cette purée de pois, la boule c’et le voyage et le temps qui passe, la boule vous indique le début de la sculpture, le début du temps et, comme un sablier, elle va s’écouler sur le chemin et à la fin du chemin, le temps s’est écoulé »

JP L – Au milieu de ces 20 œuvres, il y a bien sûr une miniature du « Monde en Marche », cette œuvre semble vous avoir marquée ?

« Oui, c’était ma première œuvre monumentale et, finalement, je trouve que c’est quand même bien pour moi que tout est fonctionné, surtout au milieu de cette gare et un public qui attend l’évènement car la sculpture s’envolait au dessus du public…Une tonne et demi ! »

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Si vous voulez rêver, c’est le moment si vous passez à Antibes ou si l’expo passe par chez vous, prenez votre temps et appuyez sur le bouton poussoir autant de fois que vous le désirez jusqu’au moment où tous ces symboles mécaniques déclenchent en vous un grand moment de réflexion …Fabien Chalon avait bien choisi les contacts.   

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Théâtre Anthéa  jusqu’au 20 mai                                                         Jean Pierre Lamouroux

04 83 76 13 13   jusqu’au 20 mai

 

  • 1 Dés 1954 il réalisa des sculptures monumentales animées, bruyantes et sonores comme Meta Matics, Jardin des Tarots , Euréka et de nombreuses fontaines animées dans le monde entier,il fût l’ami de Marcel Duchamp et Niki Saint Phalle,il décéda en 1991.
  • 2 Sculpteur, écrivain et poète, il fût l’un des fondateurs du groupe Art Abstrait et influencé par les mobiles de Calder, il deviendra célèbre avec des sculptures de Fontaines Hydrauliques en utilisant toutes formes d’objets en acier inoxydable, il décéda en 2005.
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