image Cinéma / REVES D’OR de Diego Quemada-Diez

Le premier film du réalisateur d’origine espagnole a été très en vue dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2013 où ses jeunes comédiens – remarquables – ont étés primés . Ils sont les protagonistes d’une odyssée de l’immigration vers le Nord ( les Etats-Unis ) partie du Guatemala et traversant le Mexique . Un voyage périlleux dont le cinéaste nous livre la réalité de l’envers du rêve dans un récit empreint de réalisme brut dans lequel la violence est disséquée sans fards, mais où l’humanité du regard et sa poésie est présente hors clichés, pour en appeler aux consciences sur un laisser faire coupable… 

l' affiche  du  film
l’ affiche du film

Dans le Bidonville du Guatemala où vivent Sara ( Karen Martinez) et Juan ( Brandon Lopez ) ils sont des milliers qui se retrouvent quotidiennement dans la vaste décharge publique à la recherche des restes que leur laisse en guise de partage la société de consommation pour survivre à la misère. Alors Juan et Sara qui n’en peuvent plus décident de partir vers le Nord et ce « rêve d’or » qui ne cesse de les hanter comme une issue possible…de toute manière ils n’ont plus rien à perdre . Et Sara qui le sait veut mettre tous les atouts de son côté en se « déguisant » en garçon afin de mieux se mêler à la masse de ces candidats au voyage vers l’espoir qui vont devoir détromper les pièges des barrages policiers et des frontières -forteresses , auxquelles s’ajoutent les exactions des passeurs ou les dangers des gangs de trafiquants qui les spolient…

une scène  de tournage  du  film  avec  au centre  dirigeant  les  opérations  Diego quemada-Diez
une scène de tournage du film avec au centre dirigeant les opérations Diego Quemada-Diez

L’odyssée de ce deux jeunes à laquelle se joint un autre de leur camarade qui renoncera dès les premières difficultés , et  puis le personnage de Chauk ( Rodolfo Dominguez ) le jeune indien Tzotzil , est construite comme un récit dont les formes de l’épopée vont être, on l’a dit , multiples afin de construire une aventure qui défie à la fois les clichés et les obstacles, à l’image de ses héros en quête de cet espoir qui les porte et dont ils vont devoir affronter les pièges . Et le cinéaste distille son récit et sa mise en scène en l’alimentant des ruptures ou surprises narratives destinées à impliquer le spectateur dans l’aventure avec ses héros. Comme la belle idée de  faire parler le jeune indien Tzotzil, Chauk, dans sa langue natale que personne ne comprend . Au delà de la distance  de  communication que celle-ci installe ,  elle reflète aussi le rejet dont  Chauk  est l’objet  ( notamment par Juan qui voit en lui un rival ) et  permet d’inscrire au travers des péripéties violentes du parcours collectif des migrants , la nécessité d’une solidarité  nécessaire pour se donner plus de chances d’aller au bout. Et s’y inscrit aussi la solidarité de la population qui le long des voies ferrées envoie de la nourriture aux immigrés agglutinés sur les toitures des wagons . Séquence clin- d’oeil évidente à l’immigration interne que connurent  hier ,   les Etats-Unis lors des années de la grand dépression et  décrite  par Martin Scorsese dans son film Boxcar Bertha ( 1972).

A  droite   l'indien Chauk ( Rodolfo Rodriguez )  en compagnie d'autre s migrants
A droite l’indien Chauk ( Rodolfo Rodriguez ) en compagnie d’autres migrants

Et  le film pointe les multiples visages de la violence et l’horreur des épreuves que les migrants vont trouver sur leur chemin , le cinéaste qui a beaucoup travaillé sur le sujet n’en néglige aucune, ne manquant pas de souligner celle des policiers Mexicains lors du passage de la Frontière entre Le Mexique et la Guatamela  , et puis celles des gangs qui investissent les trains soit pour spolier les migrants,  ou  ,  pour les embarquer dans des trafics humains ( La jeune Sara en fera les frais ) ou les exploiter dans des travaux non rémunérés objet d’un « deal » avec des grandes compagnies . Et que dire encore de ces « passeurs » qui ne pensent qu’à l’argent qu’ils vont soutirer a ces pauvres ères qu’ils envoient à la mort dans ces passages frontaliers souterrains des murailles infranchissables surveillées par des snippers  et des milliers de Caméras. Diego Quemada-Diez filme cette épopée là , comme une tragédie humaine moderne.

Chauk, Sara  et  Juan    en compagnie des  migrants  sur  le toits  des  wagons   en route  vers  le  Nord
Chauk,   Juan  et Sara  en compagnie des migrants sur le toits des wagons en route vers le Nord

Le cinéaste qui a travaillé comme cadreur et photographe pour des cinéastes comme Alejandro Gonzales innarritù ou Fernando Meireilles a conçu et travaillé sur son projet pendant plusieurs années afin de l’enrichir de tous les éléments réalistes évoqués ci-dessus destinés à lui permettre d’irriguer la forme d’un récit auquel il a voulu donner une ampleur épique et romanesque par des choix esthétiques devant l’enrichir d’une dimension universelle où la violence et la cruauté fait écho à celle de la poésie d’un espoir crucifié . Comme une sorte de métaphore de la vie et des espérances qu’elle engendre et ses idéaux qui s’y brisent. L’espoir et la poésie et ces plans de la neige qui tombe qui scandent le récit tout au long du voyage , comme le but à atteindre … et puis cette dure et cruelle violence qui tout au long du voyage vient s’abattre , pour le briser. Mais qui n’empêche pas que le mystère de la la vie puise perdurer…. et ce n’est pas la moindre des qualités de ce beau film que de venir inscrire les tonalités d’ une trame narrative originale qui par la force de son regard dit le mystère de la vie , cette solidarité qui s’y inscrit au cœur des épreuves.

 Les   exactions des gangs   à la  chasse  au  migrants
Les exactions des gangs à la chasse au migrants

Et elle n’est pas là par hasard , le cinéaste qui a travaillé avec Ken Loach ( notamment pour Carla’s song , Bread and Roses et Land and Freedom ) dont il revendique de situer son cinéma, comme lui , à hauteur d’homme . Pas étonnant que le regard que porte sur le fléau des migrations le cinéaste , interpelle bien au delà des pays concernés ici , et s’élargisse au niveau mondial en une mise en question d’un système globalisé injuste qui fait des ses héros des esclaves modernes. Pas un hasard non plus si son film se termine là où celui de Ken Loach, Bread and Roses commence , qui évoque le sort et l’exploitation dont sont l’objet, ces migrants qui ont réussi à atteindre le sol Américain …
(Etienne Ballérini

REVES D’OR ( La Jaula de Oro) de Diego Quemada Diez ( Espagne-Mexique)-2013-
Avec : Brandon Lopez, Rodolfo Dominguez, Karen Martinez , Carlos Sajon ….
( Sélection Un Certain Regard , Cannes 2013 )

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